Dans l’environnement de travail où nous passons une grande partie de notre temps, les liens professionnels peuvent parfois se transformer en sentiments amoureux. Mais comment les entreprises réagissent-elles à ce phénomène ? Quels sont les risques pour les employés qui tombent amoureux au travail ?
Gérer l’amour en open space
Au cours de trois ans et demi de travail sous les mêmes directives, Simon\* et Lucie\* ont éprouvé plus que du respect professionnel l’un pour l’autre. Toutefois, face à la déclaration explicite de leur supérieur interdisant les liaisons amoureuses, ils ont choisi le silence et la discrétion pour préserver leur tranquillité.
Inventant un langage secret par jeux de regards et organisant minutieusement leurs horaires d’arrivée et de départ, la gestion de leurs sentiments trahissait une inquiétude latente. Un stress ininterrompu, une peur d’être démasqués – travailler en amoureux n’était alors pas de tout repos.
Qu’en pensent les travailleurs ?
Une étude récente de 2022 menée par PageGroup indique que presque la moitié des sondés (49%) trouve complexe d’entretenir une relation amoureuse au travail. Parmi les couples formés autour de la machine à café, 5% ont été contraints de changer de service, voire de quitter l’entreprise, comme ce fut le cas pour Simon. Alors l’amour au travail, tabou ou tendance ?
Intervention de l’employeur : limite entre privé et professionnel
Dans quel cadre l’employeur peut-il intervenir dans la vie sentimentale de ses employés ? Selon le droit français, la vie privée est un droit fondamental protégé par l’article 9 du Code Civil. Cela signifie également qu’aucun employeur ne peut intervenir dans la vie amoureuse de ses employés, à moins que cela n’interfère avec leur travail.
Dans le cadre des relations de travail, Me Marie-Océane Gelly, spécialiste en droit du travail, rappelle que le droit du travail ne mentionne pas expressément la question du couple, à l’exception des contrats spécifiques dits « de couple ». En dehors de ces contrats, aucune obligation particulière n’est prévue dans la loi.
Sanctions liées à l’amour au travail
L’article L1121-1 du Code du travail définit les restrictions pouvant être imposées aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives. Toutefois, une relation amoureuse entre collègues ne peut justifier une mutation ou un licenciement, sauf si elle entraîne un « trouble objectif caractérisé à l’entreprise » selon l’arrêt de la Cour de cassation de septembre 2009. Il revient alors à l’employeur de prouver que cette relation perturbe son activité.
Quid des relations sexuelles sur le lieu de travail ?
Il est important de noter qu’en novembre 2018, la cour d’appel de Lyon a validé un licenciement pour faute grave suite à des relations sexuelles entre deux employés sur le lieu de travail. Une telle violation des obligations contractuelles est considérée comme une insuffisance professionnelle justifiant une fin de contrat sans préavis.
L’équilibre entre droit à l’amour et obligation de sécurité
En dehors de ces conditions exceptionnelles, un traitement différent, une mutation ou un licenciement basé uniquement sur le fait d’être en couple constituerait une discrimination et placerait l’employeur en infraction. Le respect du droit à la vie privée des salariés et l’obligation de sécurité sont des principes fondamentaux qui doivent être équilibrés.
Alors, où doit-on tracer la ligne entre les besoins professionnels et personnels de l’individu dans un environnement de travail ? C’est une question qui demeure ouverte et chaque situation devrait être évaluée au cas par cas. Admettons-le, qui peut vraiment résister à l’amour ?